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edito janvier 2021 version2 sous acide

De retour des célébrations officielles du nouvel an terrestre 2121, c’est confortablement installé à bord de la navette de liaison spatiale Proxima – 51 Pegasi b, que je m’attèle à la rédaction de ces quelques lignes. Il faut dire que j’ai un peu de temps devant moi, car le voyage d’une distance de seulement 51 années lumières, dure tout de même plus de douze heures ! Heureusement, la beauté du paysage sidérale ne me lasse pas. Et c’est toujours avec autant d’émotion que je contemple les nuages gazeux de Magellan lorsque la navette, profitant de flux galactiques ascendants, amorce sa lente descente vers notre chère galaxie mère. Me laissant aller ainsi à la contemplation de l’immensité, mes pensées se projettent dans le passé lointain, jusqu’aux origines. Mais je ressens une certaine émotion, presque une appréhension, en m’apprêtant à vous écrire ce qui va suivre. J’ai en effet des révélations à vous faire. De la plus haute importance. Des révélations qui, bénéficiant de l’éclairage des dernières découvertes archéologiques, risquent de bouleverser votre vision des choses. Hé oui mes chers lecteurs, vous l’ignorez certainement, car la légende a pris le pas sur les faits historiques, mais c’est il y a bien longtemps, dans une galaxie lointaine, très lointaine, que votre organe de presse favoris a vu le jour. Il est vrai qu’on peine à imaginer que ce journal, aujourd’hui distribué aux quatre coins de l’univers, et jusque dans les avants postes coloniaux de Bételgeuse, est né sur notre antique planète Terre. Il y avait à l’époque, situé pratiquement au centre de ce monde archaïque, une Butte que l’on appelait Montmartre. Derrière ce nom pittoresque, parfaitement imprononçable de nos jours, était un quartier réputé pour sa douceur de vivre et son émulation artistique. C’est, d’après les historiens, dans ce contexte, qu’une première version du Chat Noir fût publiée à la fin du XIXème Siècle avant notre ère. Aucune preuve solide ne vient malheureusement étayer cette hypothèse. En revanche, nous savons de source sûre que la réédition du journal est datée du début du XXIème Siècle – toujours avant notre ère. Evidement cette publication primitive n’avait alors pas toutes les qualités qu’on lui connait désormais. Rendez-vous compte, le Chat Noir était publié sous la forme de motifs imprimés sur du papier ! Imaginez-donc à quel point les lecteurs de l’époque devaient endurer le déchiffrage de ces obscurs symboles pour en extraire les propos des rédacteurs. Une véritable corvée pour les êtres évolués que nous sommes. Il faut dire – et je me dois de vous l’avouer, au risque de choquer les plus dogmatiques d’entre nous – il faut dire, donc, que les rédacteurs de l’époque n’étaient vraisemblablement pas des chats – contrairement à ce que laissait entendre le titre du journal. Il s’agissait en vérité de créatures bipèdes et semi-imberbes qu’on appelait « humains ». Les archéologues spécialistes de la Vie Terrienne les plus éminents s’accordent pour dire que ces êtres grossiers étaient probablement considérés comme des esclaves par nos ancêtres félins. Leurs principales fonctions étaient alors de nous servir nos repas et même – tâche des plus dégradante, témoignant bien de leur condition de servitude – de récolter nos excréments dans les bacs à litière. Mais tout cela était bien avant l’Avènement qui, comme chacun sait, vit survenir l’effondrement de l’Ancien Monde et l’apparition des premiers Chats-sapiens Supérieurs. Seul le Journal le Chat Noir a perduré jusqu’à nous depuis cette antique époque. Car nos prestigieux ancêtres éminemment intelligents, ont vite compris la portée et la grandeur du message universel de l’Esprit Chat Noir, un atout qui s’avéra majeur dans notre colonisation de la Galaxie, puis de l’univers. Aujourd’hui diffusé sur l’ensemble du C-H-A-T (Canal Héliosphèrique Astral Télépathique), le Chat Noir est devenu plus qu’un journal, c’est une école de pensée et, n’ayons pas peur de le dire, pour beaucoup d’entre nous une véritable religion. Mais quelle leçon d’humilité malgré tout, de savoir désormais que l’existence même de notre civilisation féline intergalactique, ne repose finalement que sur l’esprit d’invention d’anciennes créatures primitives, à peines plus intelligentes qu’un Poulpe Bicéphale Saturnien !

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