Edito – Mars 2021 – Numéro 31 Mars Ça y est, on y est. Mars… Alors que la communauté poète s’était entêtée à adorer d’autres planètes aux noms moins guerriers, que nos yeux, tournés vers le ciel se plaisaient à en rêver d’autres aux couleurs plus enchantées, c’est bel et bien sur Mars que nous avons décidé de nous poser. Pauvres poètes abandonnés et poétesses endiablées, qui se retrouvent à devoir créer des vers sur Terre, alors que l’Humanité a le dos tourné…
La Lune, déjà, ne faisait plus autant fantasmer. Il y a longtemps maintenant que nous l’avions foulée. À peine le pas de l’Homme imprimé dans sa terre blanche pâle, un bond de géant a été fait pour aller chercher le rouge orangé du sable. Cyrano s’est trompé, ce n’est pas de la Lune qu’il était tombé mais peut-être des dunes que l’on vient de trouver. Aride et chaude, la larme qu’il laisse s’échapper, se confiant à Lebret, avait donc un goût de sel mais pas celui dont on se sert, celui dont on crève.
Franchement, n’y avait-il pas mieux à voir avant ? Même Mercure aurait été plus accueillante ! Venus, Saturne, Uranus, Neptune et Jupiter… tout est à refaire. Pluton, le chat noir d’Edgar Poe aurait donc dû s’appeler Mars et, au lieu de lui arracher un œil, c’est le chat qui aurait éventré son maître avant d’entamer sa domination de la planète. Les loups ne hurleraient plus à la Lune mais à Saturne, déstabilisant au passage tous les animaux nocturnes. Les cycles des marées seraient calqués sur Neptune et le Mont St Michel sauvé… pour un temps seulement avant que Jupiter ne vienne le foudroyer. Et en un éclair le voici englouti par les airs, vents fort venus de Vénus. Et je ne parlerai pas d’Uranus…
Pendant ce temps, la Terre qui nous tolère depuis longtemps continue de se lamenter. Elle a compris notre misère et ne cesse de s’entêter à ressembler à cette planète si mortifère. « Mars est rouge ? Je serai sang ! » « Mars est loin ? Et bien, je ne serai plus là demain ! ». Elle boude et on la comprend. Celle qui nous porte et nous supporte encore n’accepte pas que nous puissions rêver de nous installer ailleurs. Ingrats que nous sommes. Elle va pourtant devoir se faire une raison. Puisqu’elle ne veut pas se débarrasser toute seule de sa pollution, nous avons dû trouver une solution à une situation qui n’était pas encore un problème.
C’est alors que l’espoir est apparu. On n’avait pourtant rien demandé mais des gens se sont mis à espérer jusqu’à persévérer pour percer vers elle : la planète Mars, si éloignée. Inhabitable, incultivable et impraticable. Quelle bonne idée ! La Terre est une poubelle, honte sur elle ! Hâtons nous de la vider de toute substance qu’elle serve au moins à nous sauver.
Mais c’était sans compter sur le Chat Noir qui lui ne se tournerait jamais vers une autre que la Lune. Celle qu’il a toujours aimée et qui le fera toujours miauler jusqu’à l’aube. Car il y en a un qui ne s’arrêtera jamais de lui courir après et de la chasser, espérant un jour lui ressembler, usé de brûler et voulant plus que tout lui ressembler, le Soleil qui ne rêve que d’une chose : devenir cet astre que tout le monde envie et qui a seul le droit d’illuminer nos nuits.
Romain Nouat