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Jacques Michel Salis ne fut pas vraiment un rigolo

Les Salis à la chambre…


Jacques Michel Salis ne fut pas vraiment un rigolo. Clio, muse de l’histoire, joueuse par nature, a bien essayé de m’embrouiller, voulant me faire croire – sans succès, on ne me la fait pas, à moi ! – que cet honorable député de l’Hérault était un parent du gentilhomme cabaretier. J’aurais pu marcher, d’autant plus que l’homme politique fut considéré de son temps comme un spécialiste de la législation sur… les boissons ! Né le 21 mars 1848 à Cette (Sète), le gars Salis avait pour papa un pâtissier de 26 ans, Jacques Oscar, et Marie, maman sans profession de 23 ans. Comme le garçon n’était pas la moitié d’un imbécile, il fit de bonnes études, avança sagement et devint avocat (personne n’est parfait). Exactement contemporain de Rodolphe (né en 1851, rappelons-le), Jacques Michel avait une très jolie barbe mais, contrairement à son homonyme, était parfaitement chauve. Toutefois, une certaine ressemblance physique est à noter entre ces deux personnages.

L’homme de loi, avocat à Sète, devint maire et conseiller général du canton de 1877 à 1881 puis député de l’Hérault de 1881 à 1910, siégeant au groupe de la Gauche radicale. C’est ce qu’on appelle une vie politique bien remplie. Membre du groupe de l’extrême gauche, Jacques Michel vota contre la politique opportuniste des cabinets Gambetta et Ferry et contre les crédits de l’expédition du Tonkin, lointains débats portés sur ma fiche que je ne développerai pas ici. Malheureusement, la vie privée de notre homme semblant avoir été, sinon banale, d’une exemplarité toute monotone, point de détail croustillant à évoquer. N’était pas Salis (Rodolphe) qui voulait. Le gars de Sète était un spécialiste des dossiers pointus, et il semblait se vautrer dedans avec grand plaisir et professionnalisme. Chacun ses goûts, n’est-ce pas ? Je ne sais pas aussi si le bougre eut des enfants avec son épouse légitime Anne Louise Marie Salis. L’un des chevaux de bataille de Jacques Michel Salis était sa lutte contre le « privilège » des bouilleurs de cru qui ne déclaraient pas, selon lui, la majeure partie de leurs distillats. Nous devons donc à ce brave homme la polémique concernant cette profession itinérante, et la disparition des alambics. De manière tout à fait incidente, nous pouvons avoir une pensée pour lui quand nous trinquons à l’aide d’un coup de cette gnôle de derrière les fagots aux allures de désinfectant, qui brûle la gorge, réveille de conduit œsophagien pour finir dans l’estomac qui se demande pourquoi on est si méchant avec lui. Même si, personnellement, j’ai connu une polonaise qui en prenait au petit déjeuner, je tiens à rappeler ici que tout abus d’alcool est dangereux, et que si la bouteille insolite sortie du placard de la cuisine peut présenter, à l’homme audacieux, un certain charme, il vaut mieux rester prudent avec ce genre de liquide. « Comme orateur, M. Salis semble vouloir ignorer les grands mouvements et les périodes à trémolos. Il parle d’une voix un peu sourde et il discute aimablement, à la bonne franquette, en homme qui veut voir surtout le côté pratique des questions à débattre. Dans cette discussion des boissons, il est sans cesse obligé d’intervenir ; il fait la navette entre son banc et la tribune.  La postérité a délibérément choisi d’oublier Jacques Michel Salis, homme de dossiers, député, homonyme d’un cabaretier qui, contrairement à lui, se remua assez pour laisser de nombreux souvenirs. Il est décédé le 16 novembre 1919 âgé de 71 ans.

Je ne serai pas complet si je n’évoquais brièvement cet autre parlementaire, Tatius Gilbert Rodolphe baron de Salis né en 1752 à Montargis. Royaliste convaincu, émigré, il servit à l’armée des princes, fut élu ensuite député au grand collège des Ardennes, fit partie de la majorité de la Chambre introuvable et vota en 1819 pour les lois d’exception et le rétablissement de la censure. La brave garçon avala son bulletin de naissance l’année suivante, regretté par ses amis et sa famille.

Rodolphe Trouilleux

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