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Le Bouffon, le Roi, la Reine et le Mulet



C’est moi qui suis chargé De chanter pour le roi De douces mélopées Et quelques airs grivois. En tant que troubadour Tous les soirs je l’amuse Avec mon gros tambour, Ma vieille cornemuse. Ce métier harassant Est loin d’être un calvaire Car j’ai ça dans le sang, Mon père était trouvère. Chanter de père en fils C’est plus qu’une passion. Je fus commis d’office Au métier de bouffon. Le roi et ses amis, Un soir me demandèrent, D’imiter à tout prix La voix du dromadaire.

Mais mon imitation Ne fut pas un succès Car sans faire attention J’imitais un mulet. Pour ne rien vous cacher Le roi devint furieux. D’ailleurs sans hésiter Il donna l’ordre de Me jeter aux lions, Me jeter dans l’arène Sous les yeux de millions De gens et de la reine. Comment aurais-je pu Savoir que notre altesse, Comme un trou avait bu Un soir jusqu’à l’ivresse, Et qu’en cuvant sa gnôle Un bougre de mulet Lécha ses roubignoles Jusqu’à les avaler. Depuis ce jour, le roi Ne cesse de râler Dès qu’il entend la voix D’un bougre de mulet. Car, de bien entendu, Il rebute les filles Depuis qu’il a perdu Ses bijoux de famille. Comble de l’infamie, Le roi tomba des nues Le jour où il surprit La reine à moitié nue Au lit de son amant, Un homme, un dur, un vrai, Un homme apparemment Bâti comme un mulet.


Frédéric Colazzina


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