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Les Chats du Moulin Rouge


Dans les années folles, une famille de chats vivait sur le toit du Moulin Rouge. Le bruit raconte que ces chats n’étaient pas tout à fait ordinaires. Un montmartrois, Gustave Cotillon, passa une année entière à les observer. Voici, en substance, le contenu de ses notes : « Les chats vivent en autarcie sur le toit du Moulin Rouge. Ils sont sept au total. Leur régime alimentaire se compose exclusivement de foie gras, de caviar et d’huîtres – excepté la veille de Noël où ils ne mangent que du thon en boîte. Le père est un gros matou qui passe son temps à dormir. Il cumule jusqu’à 23h de sommeil par jour ; l’heure restante étant dévolue à la sieste. Le père est sans emploi. Il garde cependant bon espoir de trouver un travail depuis qu’il a candidaté pour un poste de veilleur de nuit. La mère, elle, est une ravissante femelle dont le soyeux du poil fait la fierté. Elle vient d’ouvrir un cabinet de psychanalyse sur une gouttière de la rue Blanche. Parmi ses patients, elle compte un chat qui se prend un philosophe, tout ça parce que son maître l’a appelé Platon. Il prétend venir d’Athènes, se balade sur le parvis du Sacré-Cœur en toge et refuse obstinément de payer ses tickets de métro. Il serait grand temps que les gens cessent de donner ce genre de noms à leurs animaux de compagnie, ça finit toujours par leur monter à la tête ! Un autre de ses patients est un chat aveugle. Il arrive toujours au cabinet en ayant la conviction d’être chez son dentiste. Cette situation exaspère la mère qui, en plus de le prendre en consultation, se voit à chaque fois obligée de le détartrer. La fratrie de chatons se compose de trois filles et de deux garçons. Tous les jours, un chat-précepteur vient leur faire l’école. La journée, ils apprennent à miauler, à chasser la souris et, depuis les récentes réformes scolaires, à coder en html. Mis à part ça, leur existence s’écoule dans la joie et la santé. À la nuit tombée, toute la famille se réunit près des ailes du Moulin et observe les étoiles. Parfois, une soucoupe volante tranche le ciel à tout allure. Les chatons ont à peine le temps de la voir passer car les martiens, toujours pressés de rentrer chez eux après une longue journée de boulot, n’ont vraiment aucun respect pour les limitations de vitesse. Le père, un ronron dans la gorge, se penche alors sur les siens et les serre fort contre lui. Toujours, à cet instant, un petit frisson traverse ses moustaches. Et toute cette famille, tout heureux qu’ils sont, fait vibrer un concert de « Miaou » qui résonnent à travers Montmartre. »


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