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Profession Cinéaste en Chambre


C’est un regard qui ne dit ni oui ni non que celui de Philippe Tollé, “Monsieur Philippe Tollé”, le réalisateur en chef devant l’éternel des captations de l’Assemblée nationale. Depuis 30 ans le cinéaste filme tous les débats parlementaires retransmis sur la TNT et disponibles dans un coffret DVD collector que vous retrouverez bientôt chez votre marchand de journaux.


Philippe a commencé sa carrière à 21 ans avec un premier court métrage où il filmait à différents endroits sur Terre des gens en train de se moucher. Grâçe à l’héritage d’une grande tante il avait pu financer des déplacements en avion sur les six continents. Le président de l’assemblée de l’époque avait eu le privilège de tomber sur les négatifs du film et y avait entendu la voix qu’il fallait pour restituer les débats de la chambre.


Parmi les grands chefs-d’œuvre de Philippe on pense d’abord à la loi Evin, et notamment à son plan séquence de 3h20 sur Michel Boutillier, député des Bouches-du-Rhône, plaidant la cause des liqueurs à base d’anis. Le cinéaste lui-même avoue qu’il ne s’est jamais autant surpassé depuis. Cela dit, d’autres œuvres inoubliables ont suivi, comme la réforme sur les droits de succession. “On était pourtant mal partis. Je n’avais que trois caméras au lieu des sept habituelles. Une sur la gauche, une sur la droite, et une alternant entre les Verts et le Front National. Avec le montage on a réussi à emmener le spectateur dans de nouvelles dimensions spatio-temporelles.” se souvient encore le maestro. Si vous avez vu le dernier Mad Max, on y trouve un hommage impossible à rater.


Quand on lui demande qui a été son acteur fétiche, il nous répond : “Jean-Michel Le Du, député démocrate chrétien du Finistère. Il sortait de l’écran, ce type. Avec lui une prise et on était bon. Un grand qui a quitté l’assemblé trop tôt, à cause d’une affaire de fraude fiscale.” Son plus beau souvenir : “Probablement le vote de la loi de promulgation du bracelet électronique, c’est un peu le film que chaque cinéaste aurait rêvé faire.”


Philippe Tollé, c’est aussi un artiste subversif, qui a cherché toute sa vie à transcender les règles du genre de la captation parlementaire pour laisser le spectateur pénétrer toujours plus profondément dans le cœur de l’action. Parmi ses projets inachevés, il y a l’assemblée déplacée dans la salle des fêtes de Chamonix pendant les vacances de Noël, la commission des finances en 3D, ou le président de l’assemblée sur fond vert inséré devant la pyramide de Khéops, dans un magasin de bricolage ou sur les rayons de Saturne selon le sujet de son discours. Autant de scripts qui ne quitteront malheureusement jamais ses tiroirs. “Avant on avait le droit de rêver un peu devant un dépouillement de vote au Sénat, mais maintenant un débat sur la loi PMA, c’est juste un prétexte pour vendre de la couche Pampers et de la nourriture pour chat sur LCP. Un créateur comme moi se retrouve aujourd’hui en position de missionnaire pour la publicité.”


Bientôt un César d’Honneur ou une rétrospective à la cinémathèque française pour celui qu’on surnomme Technicolor à cause de ses chemises arc-en-ciel ? Le principal intéressé s’en fiche, il poursuit sa route et continue à faire ce qu’il fait encore de mieux : “Tant qu’il y aura des motions de censure et des élections législatives je serai là. Seul un dictateur avec les pleins pouvoirs pourra me faire pointer au chomdu.” Victor Faucon


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