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Rodolphe – ELASTIQUES EN COULEURS

Elastiques en couleurs.

Quelque part à Montmartre, sous un grand porche. Dans un coin, deux tentes Quechua et, juste devant, leurs propriétaires : deux vieux potes de la dèche. Un peu abîmés par la rue, mais du genre à qui faut pas raconter des craques. C’est pas parce qu’on vit dans la rue qu’on n’a pas de cervelle :

Ah ouais, au fait ! Il parait qu’on a réussi à envoyer un engin sur Mars et à faire des photos, tiens, regarde Paulo, c’est marqué là dans le gratuit : elle est chouette la photo, hein !? Ah ouais ? C’est quoi ce machin tout vide, c’est chez ta mère ? C’est vachement râpé… C’est au bled ? Y parait qu’y a que du sable et des cailloux chez toi et qu’on y mange que du couscous… C’est Riton qui m’la dit. Laisse-le où il est le Riton, tu sais bien qu’il est mort ! Ouais… T’as raison, au moins y dira plus de conneries… Mais Mars c’est comme ça… qu’ça s’appelle chez toi ? Mais non… C’est pas chez moi, c’est Mars ! Tu te fous de ma gueule ? Mars c’est un morceau de nougat avec du chocolat autour… Même que c’est vachement bon mais qu’avec les chicots que je me paye maintenant… même pas en rêve le chocolat… ! Tiens… Y va pas pleuvoir ? Y’a du vent… Fait chier ! Et mon parapluie qu’est naze… T’as même pas regardé la photo… C’est incroyable… Tout de même ! Ouais… Fais voir, passe-moi une clope… Ouais… Pas mal… Mais on peut rien en faire de ton truc, j’parie même qu’on peut pas y faire pousser des patates… ! Mais mince alors, qu’est-ce que tu racontes ? C’est pas ici, c’est sur Mars ! C’est loin ? C’est en Chine ? C’est Mars bordel ! M.A.R.S… C’est une planète… regarde c’est marqué là : c’est à 227 millions de kilomètres ! Ah ouais, d’accord, on n’y va pas en métro ! ! Mais qu’est-ce qu’on va foutre là-haut ? C’est encore une histoire de pognon… Et leur machin à roulettes là ? ça marche au gasoil ? Regarde la photo, c’est beau tout de même de savoir que l’homme il a pu aller là, c’est un beau résultat… Le machin à roulette y s’appelle Persévérance…. Ouais p’t’être mais ton père Sévérance c’est pas lui qui va me donner à bouffer à midi. En plus on commence à cailler un max… On a une boîte encore ? Y’en a plus… On a fini la choucroute hier… C’était la dernière… Merde alors, tu pouvais pas le dire ? En plus faire la manche en ce moment c’est pas terrible… Et pis les gens donnent moins… Faut dire… Faut dire quoi ? Je chante pas bien pt’être ? Je suis ancien de la chorale des enfants de Marie, moi, j’suis un pro, faut pas déconner… Ouais, mais ta « vie en rose », ça commence à faire rengaine, et puis « le petit vin blanc », pour des mecs comme nous, tu vois ce que je veux dire… C’est pas grave, quand je prendrai le métro pour aller sur Mars, là-haut y’aura un public… ! Quoi ? Qu’est-ce que tu racontes ? Bah ouais, des petits hommes verts… Le petit vin blanc ça les branchera sûrement ! (il se marre). T’es vraiment con quand tu t’y mets ! Bon… rayon boîtes c’est pas ton père Sévérance qui va nous les donner… On va au Fraiprix ? Y Doit y avoir Karine… Ah tu l’aimes bien celle-là, hein ? Mais mon pote, t’as pas une chance, elle a 25 piges et toi soixante, tu vois le tableau ? C’est pas le problème, elle est gentille et elle nous file des déprimés… Des périmés… ! Ouais… C’est vrai… Et pis c’est du genre à aimer les grands-pères, des mecs qu’ont le cœur tendre, pas des gros dégueulasses ! L’autre jour elle était contente j’y ai filé des élastiques en couleurs… Même qu’elle m’a fait la bise… Elle m’a dit qu’elle se ferait des nattes avec… Putain, elle en a de la chance ! Y va pleuvoir, faut qu’on grouille, merde, et mon pébroque qu’est naze… Je vais encore atchoumer pendant huit jours avec toute cette flotte sur ma gueule ! T’en fais pas Paulot, tu crains rien, t’es le roi des élastiques… Et en couleurs en plus ! Marre-toi va… C’est pas sur ta planète à la con qu’on en trouve des beaux comme ça ! T’as raison Paulot, t’as raison… Choucroute ou lentilles ? Hein ? Ouais : choucroute ou lentilles, pour la boîte ! Comme tu veux, m’en fous !!! J’ai faim, grouille-toi un peu ça va fermer !

Alors les deux potes ils ont été au Fraiprix et comme ils avaient un peu de thunes ils ont pu se payer quatre boîtes de raviolis. Et comme Karine elle leur a donné des bananes déprimées et du chocolat (du mou, pas du dur), ça va être la fête des Quechua tout à l’heure… Et le Paulo il a vu Karine, et quand elle le regarde comme ça, avec ses beaux yeux bleu-vert, tous les pères sévérances ils peuvent aller se rhabiller… C’est pas sur Mars qu’on trouve des belles filles comme ça !

Rodolphe Trouilleux

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