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Champo

PINK IS THE NEW RED Le rose est une toute jeune couleur. Les roses elles-mêmes ne sont pas nées roses, mais blanches ou rouges. Pas même le vin, mais ça je ne vous apprends rien… ! Longtemps, ce ne fut qu’un rouge délavé, qu’un textile un peu moins chargé de garance. Cela fait peu de temps que le rose se regarde comme tel. Sieur Pastoureau l’a dit, chaque couleur est un concept, avant d’être une perception visuelle. Symboles et perceptions évoluent cependant au fil du temps et de l’espace. Au vieux temps des chevaliers, le rose, vu comme une déclinaison de l’habit rouge sang des guerriers, convient aux petits hommes, tandis qu’aux filles revient le bleu du manteau de la Vierge. Au 19e siècle, les vêtements des enfants sont blancs, de sorte qu’en les faisant bouillir, on les détache sans les déteindre. Il faudra attendre 1930 pour que l’industrie, des jouets aux chaussettes, distribue la couleur aux petites filles, et le bleu aux garçons. Synonyme, dès le 19e siècle, de candeur, le rose est aussi la couleur des jeunes filles désirées en fleurs. Est-ce pour cela que le rose est si mal-aimé de nos jours, que les femmes ne peuvent plus le voir en peinture ? Ainsi, du moins, a parlé l’oracle des sondages. Le rose est ensuite un symbole d’anti-virilité, celui, forcé, des triangles roses sur pyjama rayé, celui plus tard revendiqué d’une communauté bientôt rassemblée sous une bannière arc-en-ciel. Aujourd’hui on s’étonne de voir un Henri IV conquérant, goguenard, costumé en dieu Mars, dieu guerrier, vêtu d’un rose vif de Barbie. Le rose, couleur virile ? Pas tant que ça… Regardez les œuvres de la Renaissance : le rose recouvre le corps des hommes de la noblesse, des poètes, des saints, jeunes et musclés ou vieux et barbus, de Dieu le Père lui-même dans la Création de Michel-Ange. Mais il recouvre tout autant le corps des femmes, des nymphes, des Judith et des Marie, celui des enfants et des anges. Parfois le rouge initial a tourné au rose. Toujours-est-il que la Renaissance raffole du rose. Les Maniéristes surtout, parmi lesquels on compte Michelangelo, Vasari, Tintoret, le Greco… Ces audacieux du pinceau vont pousser leur manière de peindre jusqu’à l’exubérance et la déformation des corps et des perspectives, et user de tons crus, acidulés, irisés, presque phosphorescents, irréels… Des jaunes acides, qui virent au violet, des roses intenses, lumineux, qui virent au vert anis… Jusqu’au 18e siècle le rose-rouge pâle sera porté par les femmes comme les hommes. Là n’est pas la distinction. Cherchez-la ailleurs. Plus la teinte est vive, saturée, plus le textile est chargé en colorant précieux et cher. Le rose vif est une couleur prestigieuse, qui n’est pas celle du peuple, avec sa gueule sombre et son habit de chanvre écru… Ce n’est qu’au 19e siècle, en ville, que le rose se féminise. L’homme est une triste silhouette noire, la femme une futile et fugace silhouette colorée. Mais le rose est aussi la couleur de la nudité et de la chair, ou du moins, qui la représente. Danseuses, acrobates, circassiens.nes, ne pouvaient montrer patte « blanche » que dans un collant rose… ou, selon la couleur de la peau, brun (regardez bien Miss Lala, peinte par Degas). Les années 1950 et 1960 voient venir la deuxième renaissance du rose : chemises et chaussettes d’hommes, ensembles féminins, voitures, cuisines, grille-pain, et même panthères, tout est rose… Aujourd’hui le rose se porte à merveille, sur toutes peaux, sur tous sourires, il se montre même capillaire. Les Maisons Roses ont toujours la côte, en haut de la butte, là où les Chats sont Noirs. Champo

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