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Correspondance d’écrivains


À l’instar de George Sand et d’Alfred de Musset, Montmartre accueillit au XIXe siècle des écrivains qui correspondirent avec passion. Les plus célèbres d’entre eux furent Joséphine Pivert et Ignace Bougon. L’une romancière et l’autre poète, les deux amants laissèrent une correspondance pleine de lubricité dont voici quelques extraits : *** « Mon Ignace, Je me sens toute chose. Depuis ton départ, une fièvre agite mon corps et mon esprit. Je suis dans tous mes états, si tu savais. J’espère ne pas t’offusquer en te disant cela, mais j’ai déjà changé neuf fois de culotte depuis mon réveil. Seigneur ! Mais quand finira donc cette fichue gastro ? Il ne me reste plus que le souvenir de nos ébats fougueux dans les combles de la maison pour me consoler de mes souffrances. Mon amour, donne-moi vite de tes nouvelles. Je vais maintenant au lit, la fatigue tombe sur moi. » *** « Ma Joséphine, Quelle peine de te savoir alitée et souffrante. Toi qui, de nature, déborde tant de vie. Je te revois encore la semaine dernière me chevaucher dans la paille parmi les boucs, les poules et les lapins. Étions-nous d’ailleurs vraiment obligés de forniquer devant ces pauvres bestioles? Elles m’avaient plutôt l’air désappointées, surtout les boucs… Tu m’étonneras toujours, insatiable diablesse ! Écris-moi lorsque tu auras recouvré la santé. Je t’aime. » *** « Mon Ignace, Je vais enfin mieux et c’est grâce à ta lettre. Comme toujours, l’amour arrange tout. Ce matin, le jardinier a cassé le nain de jardin que tu m’avais offert la nuit de notre première fois. Cette nuit bénie où, d’une voix étouffée, tu m’as dit : « Fe f’aime ». Mon amour, comme tu as du mal à t’exprimer quand tu me fais minette… Quoi qu’il en soit, j’ai congédié ce sot de jardinier. Il travaille comme un pied et, qui plus est, je le soupçonne d’épier nos siestes crapuleuses par le trou d’une serrure car il se promène partout avec une poignée encastrée dans le front. J’attends ta venue avec impatience,je compte les heures et les demies. *** « Ma Joséphine, C’est avec le cœur lourd que je t’écris. J’ai reçu ce matin une lettre de l’armée. Je suis appelé au combat. C’est à n’y rien comprendre. Malgré ma claudication et ma tuberculose, je n’ai pas été réformé alors que mon frère (tu sais celui qui a un menton taillé en angle droit avec un profil de lion aux aguets) l’a été pour son zozotement. Je pars demain dès l’aube, sabre au clair. Dis, m’attendras-tu ?» *** « Mon Ignace, Quelle horrible nouvelle, j’en suis bouleversée. Fais très attention à toi et promets-moi de m’écrire souvent. Dans la foulée, pourrais-tu me mettre en relation avec ton frère ? Je serais ravie de faire sa connaissance et, pourquoi pas, lui faire visiter les combles de la maison. Nous parlerons souvent de toi. Sois prudent. Je t’aime. »

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