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L’Incohérence revient à l’Olympia


Avril 1893 – avril 2022 : 129 ans après, les Incohérents reviennent à l’Olympia, tirés du néant par Johann Naldi, expert, chasseur de trésors, qui travaille depuis plus de deux ans à la présentation de cette magnifique découverte.

Les objets présentés aujourd’hui à l’Olympia ont été trouvés chez des particuliers, dans une antique malle de voyage. Pourquoi étaient-ils réunis dans cette véritable cellule temporelle ? Qui avait bien pu collecter ces objets divers pour ensuite, les emballer rapidement, assurant ainsi leur conservation pour les générations futures ?

Un nom semble émerger de l’ensemble, figurant sur plusieurs œuvres et quelques objets divers, tels un carnet de croquis, un petit carton à dessins… Cet homme mystérieux que la postérité a dédaigné quelque peu s’appelait Jules-François Foloppe, bureaucrate et artiste peintre de son état. Ce même Foloppe exposa plusieurs fois aux Incohérents sous le pseudonyme assez transparent de Gieffe, reprenant ainsi les deux premières lettres de ses prénoms pour composer une nouvelle identité, faisait partie de la foule des exposants peu connus, sachant dessiner et peindre avec un talent certain. Né le 28 octobre 1835 à Champosoult, dans l’Orne, Jules-François Foloppe avait épousé à Paris, 17e arrondissement, Claire Zélia Poirson, fille de négociant. Il était employé des lignes télégraphiques, état qu’il conservera toute sa vie. Le 12 décembre de la même année, soit juste neuf mois après ce mariage, naissait Léon Robert, premier fils du couple. Foloppe, élève d'un bon paysagiste d’origine autrichienne, Karl Joseph Kuwasseg, exerçait la peinture comme un violon d’Ingres et



avec un certain talent. Répertorié dans l’annuaire des Beaux-Arts et des Arts décoratifs de l’année 1879, il présenta des œuvres à l’exposition municipale des Beaux-Arts du musée de Rouen, à la 26e exposition de la Société des amis des Arts de la Somme et, en 1894, au Salon des Arts indépendants. Commis des postes et télégraphes retraité, Jules-François Foloppe décéda à Champosoult, village de sa naissance, le 10 avril 1912, laissant Claire-Zélia et ses deux fils qui semblent avoir ensuite travaillé dans le monde de l’apiculture et avoir réalisé grâce à cela une certaine fortune. C’est à peu près tout ce que l’on peut dire de Jules-François Foloppe pour l’instant, bon peintre du dimanche, exposant heureux et productif des Incohérents, à qui l’on peut rendre aujourd’hui un légitime hommage pour son travail de conservation si utile !

Quel chemin sinueux put connaître ensuite la malle de Foloppe ? Nul ne le sait. On peut simplement imaginer qu’elle voyagea d’un propriétaire vers un autre, donnée, vendue, accueillie, posée dans le coin d’une pièce ou dans le fond d’un quelconque grenier, assurant la pérennité et la protection de son précieux contenu, telle une malle aux trésors.



Dans les chiffons, au beau milieu de tous ces objets aussi impressionnants qu’hétéroclites, gisaient deux monochromes : le noir de Paul Bilhaud et le vert d’Alphonse Allais, œuvres qui nous surprennent pour leur humour, leur impertinence et un fameux et impressionnant culot qui restera à jamais la marque des salons incohérents et de leur fondateur Jules Lévy. Même si la démarche de cet homme, accompagné par quelques hydropathes et amis du Chat noir, semblait avant toute chose humoristique, il fallait un certain toupet pour oser présenter à Paris, en pleine révolution artistique et industrielle – la tour Eiffel en témoigne aujourd’hui ! – un salon, des salons réunissant des artistes qui, « ne savaient pas dessiner ! » De 1882 – année de la toute première édition – à 1893, onze années de soubresauts artistiques incohérents, produisant plus de mille œuvres et ponctués par de fameux bals où, costumés de la manière la plus originale, les danseurs et noctambules clamaient leur fidélité aux arts, à l’incohérence, et annonçaient à leur manière une avant-garde qui allait bouleverser tous les repères artistiques, guidés par la fantaisie, l’histoire, le goût de la nouveauté et celui aussi, très marqué, d’une folle et étonnante inclination à la provocation.


C’est cela que les 19 œuvres, fameux trésor Incohérents tiré du néant, rappellent à notre attention : la dette que nous devons en ce 21e siècle, à cette cohorte d’artistes professionnels ou amateurs, guidés par l’humour, la folie et le goût de quelques humoristes visionnaires ; Jules Lévy, Alphonse Allais, Jules-François Foloppe et tant d’autres à qui cette exposition Incohérente est dédiée. Un hommage des plus mérités de celles et ceux qui, modestement et chanoiresquement, tentent aujourd’hui de reprendre un flambeau trop longtemps éteint.


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